Dans cet article, nous allons vous parler d’Alexis Godillot (1816-1893), entrepreneur et manufacturier français. Son nom ne vous dit rien ? Alors peut-être avez-vous entendu parler de “godillots” au sens commun ou utilisé le terme “godasses” (c’est de l’argot !) pour parler de vos chaussures ! Eh bien tous ces termes sont liés à lui. Lui à qui on doit surtout l’invention du pied droit et du pied gauche ! WTF allez-vous me dire. Pour y voir plus clair, reprenons ensemble l’incroyable histoire de cet entrepreneur hors norme…
Un destin entrepreneurial
L’histoire commence à ses 23 ans, lorsque Alexis Godillot reprend la petite entreprise de sellerie de son père. Il décide de déplacer l’établissement et de lui donner un nouveau souffle en s’implantant sur un nouveau marché : les articles de voyage (d’où le nom de son entreprise : “Bazar du Voyage”). En 5 ans, le nombre d’ouvriers est multiplié par 15 ; sa production est en plein essor : il devient le “malletier du Roi”. Il produit alors de nombreux articles divers et variés : malles, articles de chasse, matériels de campement et de couchage, casques et équipements militaires. Godillot fabrique également des “maisons mobiles” pour les cantonniers des chemins de fer car depuis le vote de la voie ferroviaire en 1842, ce marché est en pleine expansion ! Ainsi, lors de la Révolution, en 1848, il équipe la Garde nationale, l’armée piémontaise et l’armée française en Algérie, rien que ça !
Changement de cap sous la IIème République et le Second Empire : c’est l’effervescence des fêtes publiques ; nous entrons alors dans l’ère des lampions. Godillot flaire la bonne affaire et se lance alors dans la production de lanterne de papier. Il va devenir le grand entrepreneur de fêtes publiques, et va même jusqu’à mettre en scène le mariage de Napoléon III et d’Eugénie ! Oui, il commence à peser le Godillot !
Mais après toutes ces festivités, la guerre reprend. Il faut alors équiper les soldats qui vont soutenir les intérêts du Sultan contre le Tsar en Crimée puis aider le roi de Piémont à devenir roi d’Italie. Godillot s’adapte de nouveau et commence à fabriquer des tentes de troupe, du matériel d’ambulance et des objets de campement. Le succès fut tel que l’administration de la Guerre lui demande de produire de quoi chausser et habiller les soldats. ET C’EST LA QUE L’ARTICLE DEVIENT VRAIMENT INTÉRESSANT (oui, j’avais envie de crier).
L'ère du "godillot"
Car avant notre fameux Godillot, les soldats et les civiles marchaient les deux pieds dans le même sabot. La révolution de la chaussure arrive donc en 1858, où Godillot différencie le pied gauche du pied droit, avec des pointures différentes et surtout, en inventant une semelle en cuir (à l’époque, elle était en bois, ce qui n’est pas très confort avouons le). En 1862, pour améliorer le confort pendant la marche, il crée la courbure de la semelle intérieure au niveau de la voûte plantaire et l’imperméabilité du dessus de la chaussure par une application de la gutta-percha (gomme issue du latex naturel). WAOW. C’est indéniablement la révolution de la chaussure ! Le “godillot” est inventé ; il équipera les soldats français jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale. Mais Godillot va plus loin encore, inspiré par ses voyages en Amérique, il rapporte avec lui des machines à coudre pour les fournitures aux gouvernements étrangers, l’armée française exigeant que les coutures soient faites à la main. Il continue à innover en mettant en place la finition mécanique de la chaussure.
Tout s'accélère alors pour Godillot : il vend aussi bien des chaussures, que des articles de voyage et de fêtes publiques. Il est alors en possession de plusieurs établissements et devient un entrepreneur richissime.
Nommé maire de Saint-Ouen par Napoléon III (juin 1857- août 1870), il va réaliser d’importants aménagements urbains, transformant cette commune agricole en ville industrielle. Par la suite, quand l’empereur renonce au pouvoir, Godillot doit abandonner la mairie. Cependant, étant devenu un important propriétaire foncier, il y crée des tanneries pour s’assurer d’avoir un cuir de qualité. Oui, on en revient toujours aux chaussures. D’ailleurs, son catalogue de 1863 (utilisant la photographie couleur inventée en 1861), décrit précisément ses pompes : les dimensions, le nombre de clous de la semelle, les détails du laçage et des cambrures. Tout doit être NICKEL. Le dernier modèle est approuvé en 1868.
Une retraite bien active
En 1879, après la mort de sa femme, il se retire progressivement des affaires, laissant son entreprise devenir anonyme, ses fils ayant choisi d’autres carrières. Il s’installe alors à Hyères, où il devient rapidement le plus important propriétaire foncier de la commune. Il achète des terrains et réalise de nombreux travaux, construit de somptueux édifices…Il contribue au développement de la station balnéaire qui l’honore par une fontaine et une avenue portant son nom. Cependant, sa réussite trop visible ne plaît pas à tout le monde : il ne sera alors jamais élu maire mais exercera tout de même les fonctions de premier adjoint.
Pour finir, le 13 avril 1893, âgé alors de 77 ans, ce talentueux entrepreneur à la carrière incroyable décède à Paris et est enterré au cimetière de Montmartre. Il laisse derrière lui le terme “godillot”, associé aujourd’hui (et malgré lui !) à de grosses chaussures de mauvaise qualité. En réalité, Alexis Godillot a révolutionné le monde de la chaussure, en différenciant le pied gauche du pied droit. Il a été pionnier dans l’art de chausser les soldats, avec le souci d’apporter du confort aux pieds (et Dieu sait à quel point il est important d’être bien chaussé ;) !).