Si vous passez par là, c’est que vous avez entendu parler ou que vous êtes concernés par le pied bot (varus equin). Mais nous ne sommes pas là pour plomber l’ambiance et vous faire un exposé sur cette déformation congénitale, qui touche tout de même 1 à 2 naissances sur 1000 en France. Non. Par contre nous allons voir ou revoir les personnalités, réelles ou fictives, qui ont marquées l’histoire, malgré ou grâce à leur pied bot ! De quoi vous changer les idées et vous donner le sourire. Avoir un pied bot n’est pas une fatalité, rassurez-vous. De plus aujourd’hui, cette malformation peut être diagnostiquée très tôt et elle est ainsi prise en charge dès les premiers jours du nourrisson. Sur ce, revenons à nos moutons mais avant de nous lancer dans un récit historique, nous allons commencer par une petite piqûre de rappel, en quelques lignes, sur :
Qu’est-ce qu’un pied bot ?
Le pied bot est une malformation congénitale où les tendons qui relient les muscles des jambes aux os du pied sont courts et tendus, ce qui provoque une torsion du pied vers l'intérieur. Le pied et la jambe affectés peuvent être plus petits que l’autre mais dans environ la moitié des cas, les deux pieds sont impliqués. Sans traitement, les gens marchent sur le côté des pieds, ce qui entraîne des complications (sur le corps, la posture, pour marcher, évidemment, etc). Voilà, maintenant que tout le monde est d’accord sur la définition, nous allons pouvoir passer aux choses sérieuses.
Les personnages de toute BOTée !
Petit tour du monde, premier continent : l’Europe !
En tout premier, nous allons vous parler du très célèbre Charles-Maurice de Tayllerrand-Périgord (1754-1838), plus connu sous le nom de Talleyrand, tout court. Second fils du comte et de la comtesse de Périgord, Talleyrand est bien connu pour sa carrière d’homme d’Etat et de diplomate français. Concernant son pied bot, plusieurs légendes existent, mais toutes commencent par la même histoire : l’abandon de ses parents. Par la suite, deux hypothèse :
- la plus saugrenue : un cochon lui aurait dévoré le pied (oui, ça semble louche).
- la plus probable : élevé par sa nourrice, il aurait été victime d’un accident. Tombé d’une commode où l’avait installé sa nourrice à l’âge de quelques mois, son pied droit se serait brisé. La nourrice n’y aurait pas pris garde, et en grandissant, les os se seraient soudés comme ils purent.
Ainsi, dès son plus jeune âge, il dut prendre appui, pour marcher, sur une sorte de béquille. A l’âge adulte, Tayllerand est connu pour se déplacer à l’aide d’une canne dont il frappait bien souvent l’appareil de fer de la chaussure qui maintenait son pied et sa jambe droite afin de signaler sa présence à tous ses convives.
Surnommé le « diable boiteux », dû à son pied bot,et décrit comme un traître cynique plein de vices et de corruption ou au contraire comme un dirigeant pragmatique et visionnaire, soucieux d'harmonie et de raison, il est ainsi admiré ou détesté par ses contemporains. Aujourd’hui, il suscite de nombreuses études historiques et artistiques.
2ème continent : c’est parti pour l’Amérique du Nord !
Ensuite, parlons un peu de Thaddeus Stevens (1792-1868), républicain de Pennsylvanie, qui a lutté avec force contre l’esclavage et les discriminations envers les afro-américains. Comme son frère aîné, Stevens est né avec un pied bot, qui le fit boiter toute sa vie. A cette période, cette maladie était considérée comme un châtiment divin en punition des péchés des parents. Mais contrairement à Tayllerand, Stevens ne fût pas abandonné, du moins pas par ses deux parents. Car son père, après avoir engendré deux autres fils, abandonna ses enfants et sa femme et personne ne sait ce qu’il lui est arrivé par la suite. Peut-être est-il décédé à la bataille de Fort Oswego en 1814 lors de la guerre anglo-américaine…
3ème contient : escapade en Asie !
Direction l’Egypte, avec le très reconnu pharaon Thoutankhâmon. En effet, avec son pied bot, ses hanches larges et ses dents en avant, on est bien loin de l’image que l’on peut se faire du pharaon de la 18ème dynastie ! Pour info, on a retrouvé dans la tombe du pharaon pas loin de 130 cannes et bâtons ! Ce qui porte à penser fortement que le pharaon était infirme et avait du mal à marcher. La légende dit que son infirmité serait dû à l’inceste de ses parents. Oui car, d’après des analyses, sa mère ne serait pas la célèbre Nefertiti, mais la soeur d’Akhénaton (la père de Toutankhâmon), connue sous le nom de “Young Lady”. Cela n’a pas empêché le pharaon d’épouser sa demi-soeur Ankhésénamon me direz-vous. Quant à sa mort, c’est peu probable qu’elle soit dûe à un accident de chars, vu son état (et son pied bot), mais plutôt à une crise de paludisme aggravée, en plus des déficiences génétiques héritées du mariage consanguin de ses parents. Conclusion, évitez la consanguinité.
Passons maintenant à un peu de culture littéraire !
Un incontournable roman français :
Dans Madame Bovary, roman réaliste de Gustave Flaubert paru en 1857 chez Michel Lévy frères, après une préparution en 1856 dans la Revue de Paris, l’un des personnages, Hippolyte, le garçon d’écurie de l’auberge du Lion d’Or, possède un pied bot équin unilatéral droit. Dans l’un des chapitres, et pour son propre prestige, Homais, le pharmacien, ayant appris l’existence d’une méthode pour la cure du pied bot via l’ouvrage écrit par le docteur Duval, suggère à Emma et son époux Charles Bovary d’opérer Hippolyte. Celui-ci allait très bien avant son opération, il était chaussé avec une grosse chaussure et s’était bien accommodé de son infirmité. L’histoire raconte qu’il semblait même plus vigoureux de cette jambe là que de l’autre à force d’avoir servi. Elle avait contracté comme des qualités morales de patience et d’énergie. Mais Hippolyte céda, convaincu par Charles, Emma et Homais de l’intérêt de se faire opérer : il ne boitera plus, il pourra plaire à la gente féminine et l’intervention ne lui coûtera rien. Au final, Charles Bovary tenta l’opération qui se transforma au fil des jours en une véritable catastrophe. Le docteur Canivet fut alors contacté afin d’amputer la jambe d’Hippolyte, ce qui mit fin aux ses atroces douleurs engendrées par l’opération. Hippolyte n’aura plus qu’à porter une jambe de bois… Oui, il aurait dû garder son pied bot pour le coup.
Un classique de la littérature allemande :
Intéressons-nous maintenant à un nouveau roman, celui de Patrick Süskind (né le 29 mars 1949, aujourd’hui âgé de 70 ans), écrivain et scénariste allemand. Dans son livre intitulé Le Parfum, paru en 1985, le héros principal, Jean-Baptiste Grenouille, est doté d’un pied bot. Enfant bâtard, il fut abandonné par sa mère juste après l’accouchement, au milieu de poissons pourris, dans la misère. Alertés par ses cris, les passants le remarquèrent. Il fut alors placé en famille d’accueil et sa mère sera condamnée pour tentative d'infanticide. Mais heureusement, son destin ne s’arrête pas là car malgré toutes les épreuves traversées pendant son enfance, son physique ingrat, son pied bot et ses difficultés d’expression, Jean-Baptiste se découvre un odorat hors du commun lui permettant de voir, de s’orienter et de combattre les défis du quotidien. Avec l’âge, il apprendra à développer ce talent, qui l’amène à commettre une succession de crimes, que des nanas, afin de réaliser le parfum ULTIME. Quand vous voyez l’effet que peut provoquer celui-ci, imaginez-vous ce qu’aurait provoqué l’odeur de son pied bot...
Voilà, bon il en reste, mais on a fait le tour de certaines personnalités connues du grand public, qui ont, pour la plupart, bien vécus avec leur pied bot ! Comme on vous la mentionnait au début de cet article, pas de panique, c’est très bien pris en charge désormais ! Votre destin ne sera pas le même que ceux de nos différents protagonistes (même si c’est quand même la classe d’être le pharaon le plus connu de l’histoire).
Sur ce, je salue vos bots pieds, prenez en soin ;) !